« Le livre de la vie est le livre suprême. Qu'on ne peut ni fermer, ni rouvrir à son choix ; le passage attachant ne s'y lit pas deux fois. Mais le feuillet fatal se tourne de lui-même ; On voudrait revenir à la page où l'on aime. Et la page où l'on meurt est déjà sous vos doigts. » Je pourrais vous citer un tas de citations, mais c'est celle-ci qui me vient en premier en tête. Je pense que cela n'est pas totalement faux et que seul nous, pouvons écrire ses pages qui sont pour le moment blanche. Je tiens un journal depuis plusieurs années, à vrai dire je crois que je l'ai commencé à l'âge de huit ans, mais je l'ai eu bien avant. C'est ma mère qui me l'avait offert, elle m'avait dit que je comprendrais plus tard et c'est ce que j'ai fait. Ce journal m'a tellement apportée lors des moments de doutes, de tristesses et de joies. Il m'a aidé à mieux comprendre, mieux vivre et surtout savoir passer à autre chose. Il y a des pages qui sont difficiles à voir, à lire de nouveaux ou même simplement de les effleurer. Des souvenirs que je n'ai pas envie de voir resurgir dans mon présent. Effectivement, il y a tout de même quelques souvenirs que je ne peux pas effacer, ils seront toujours là dans ma mémoire, certains bons, d'autres moins. Dans ce journal, je raconte évidemment ma vie, mais il y a également celle des autres qui interfèrent. Des gens qui ont pu m'aider ou non, il y a des personnes qui sont plus importantes que d'autres. Des personnes qui m'ont marqué, parfois d'un simple regard, d'un simple mot ou bien même d'un simple sourire chaleureux. J'en suis à un moment de ma vie où je dois faire le point, faire un tri dans mes souvenirs pour pouvoir avancer. Assise sur le bord de ma fenêtre, je regarde la pluie tomber. La pluie me détend, j'aime l'entendre, j'aime entendre ses gouttes d'eau s'écraser. Alors, je me décide enfin de consulter mon passé, de lire ses premières pages écrite avec une plume hésitante.

J'ouvre alors la première page où il y a un mot de ma mère.
« Ma chérie, je t'offre ce journal dans l'espoir qu'il pourra t'aider à l'avenir. Quand tu te sentiras seule ou triste il sera là pour t'écouter et te regarder, écrire ce que tu as sur le cœur. »
J'effleurais du bout de mes doigts les lettres qu'elle avait pu écrire et regardait la photo que j'avais collée des années auparavant à côté. Cette photo et ses mots étaient les seules choses qui me restaient d'elle et de mon père. Tous les deux sont morts dans un accident de voiture, n'étant pas majeur à cette époque j'ai été placée dans une famille d'accueil. Je me suis adaptée à cela et je dois dire que je suis tombée dans une agréable famille, sans trop de problèmes. Je parle également de mes parents adoptifs et de comment ça se passe avec eux. Ce carnet représente quasiment tout à mes yeux et quand j'écris dedans c'est comme si je m'adressais directement à ma mère. Une vague de nostalgie s'empare alors de moi pendant que mes doigts effleurent les dessins que j'ai pu faire. Sur les premières pages, je me présente, je parle de ma petite vie, de mes envies d'avoir des animaux et une ferme.
« Je suis née dans cette ville, ma mère disait toujours que c'était la plus belle ville du monde et que cela rendait les gens heureux. Mes parents désiraient avoir un enfant et de plus une fille. On peut dire que je suis tombée au bon moment, car ils commençaient à avoir de sérieux doutes. Cela faisait déjà un moment qu'ils essayaient d'avoir un enfant sans jamais y arriver et un beau jour ma mère apprit qu'elle attendait une petite fille. George Oakley, mon père était fou de joie. Ma mère m'a racontée leur rencontre et je m'émerveillais tout le temps dessus étant plus jeune. Tous les deux s'aimaient plus que tout et je le sais, il y a des signes qui ne trompent pas. Mon père travaillait dans une usine et ma mère était une amoureuse de la nature et des animaux, c'est sans doute de là que me vient cette passion pour les animaux et les grands espaces. Le jour où ils sont morts j'étais encore qu'une enfant et je ne comprenais pas très bien ce qu'il m'arrivait. J'avais eu l'impression qu'on m'enlevait tout pour me placer dans un autre endroit, avec d'autres personnes, d'autres parents que je ne connaissais pas. Pendant un moment j'avais très mal vécue ce changement, mais au bout de plusieurs années j'avais grandi et j'avais également compris. »
La page d'après, je reviens sur moi, je dis que plus tard j'aimerais trouver mon prince charmant comme ma mère. Pour moi le prince charmant serait celui que j'aimerais comme une folle, celui qui m'apportera un diadème qui brille et un cheval blanc. Un sourire venait de se dessiner sur mes lèvres, cette pensée me donnait chaud. Sur la page d'à côté on pouvait y voir dessiner une robe de mariage arrangée à la façon enfant. Celle-ci était couverte de bonbons, il faut dire que j'ai toujours eu un faible pour ses friandises, même maintenant j'en mange énormément.

Mon journal est écrit dans l'ordre chronologique et sous forme de chapitres et celui-là parle d'un garçon, de mon meilleur ami. Je parle de lui en disant que jamais je ne pourrais me séparer de lui, que c'était comme ma meilleure amie, que je peux tous lui dire et cela sans être jugée. Ce garçon je le connais depuis que je suis petite, il a toujours fait partie de ma vie, il a toujours été dans le décore, dans mon paysage et il faut dire qu'il l'a plutôt embellie. Ensemble nous avons fait toutes les bêtises possibles et inimaginables. On était tout le temps fourré ensemble et cela nous a porté préjudice. Souvent on nous demandait si on était un couple ou alors pourquoi on n'en était pas et j'en passe... A cette époque il était pour moi comme mon frère et étant plus petite je croyais que c'était mon prince charmant. Il me protégeait, ne laissais personne me faire du mal ou m'approcher de trop près. Je peux avouer que cette relation était confuse et même pour moi qui suit finalement tombée amoureuse de lui. Je n'avais pas réellement tord en disant que c'était mon prince charmant, bien que maintenant je ne crois plus en cela. Je tournais les pages de ce chapitre trouvant des portraits de lui, il m'arrivait parfois quand je me sentais seule de le dessiner. Les pages suivantes n'étaient plus lisses, plus blanches, elles ondulaient et étaient cornées. Je savais très bien pourquoi, c'était des larmes, mes larmes. Ce garçon des années après est parti loin de moi me laissant complètement seule avec ce trou béant dans ma poitrine. Au début je pensais que notre lien allait résister à cela, mais ce ne fut pas le cas, il m'a oublié. Alors que moi il a toujours été là, même à des kilomètres, j'étais amoureuse de lui, mais je ne lui ai jamais avouée et je pense que jamais je ne le ferais. Vous savez, j'ai un égaux un peu trop présent. Après plusieurs années j'ai continué à prendre ma vie en main et essayer de laisser cette histoire de côté. Je me suis trouvée un copain et je suis heureuse avec lui. Malheureusement, il y a une chose que je n'ai pas calculée c'est qu'un jour ce garçon reviendrait dans ma vie. Ce jour-là, ce fut comme ci je vivais un cauchemar. Je l'ai croisé dans la rue, mais je crois qu'il ne m'a pas vu ou bien même reconnue. Il faut dire que j'ai changé de trottoir quasiment immédiatement et ensuite une horde de filles se sont jetée sur lui. Je pense que j'ai oublié de dire que s'il est parti c'était pour devenir une star et cela a marché, il est connu et reconnu -enfin surtout par les filles-. Bref je ne vais pas m'attarder là-dessus c'est une peine perdue.

Je repasse alors les pages lues précédemment et j'attrape le stylo à mes pieds, je me rends compte qu'il manque des histoires, des anecdotes, que cela fait bien longtemps que je n'ai pas écrit sur ses pages qui me sont familières. Je détends mon poignet et réfléchis quelques secondes, puis le grisement des pages se fait entendre. Sur le papier usé, je décris mes intentions de ne pas laisser Zach' revenir comme ça dans ma vie. Je parle ensuite de mes études d'architecte, que cela me passionne même si les études sont longues et très compliquées. Je décris mes progrès d'intégration dans ma famille. Je me jure également de rester avec mon copain actuel et de ne pas tomber une nouvelle fois dans le piège de Zach'. Je veux changer cela, cet amour que j'ai eu pour lui et qui est revenu à grands pas quand je l'ai vu une nouvelle fois. Je veux faire un pas, un grand pas pour mener une vie correcte. Je ne veux pas d'un bonheur interdit, car je suis heureuse avec mon copain, certes j'aime toujours Zach', mais je ne sais que faire, mais une chose est sûre je ne dois pas être égoïste, je dois avant tout calmer cette histoire avec lui, car au final je sais qu'elle ne sera pas possible. J'écris encore et encore, me défoulent, certaines bêtises arrivent sur le tapis, mais rien de méchant. Je le referme en douceur une fois fait le colle contre ma poitrine, fermant les yeux. C'est donc là le début d'un nouveau chapitre.
« Maman... »